RDC: Kengo et Minaku fixent les limites du dialogue
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Le fait marquant du jour est à chercher dans les messages délivrés par le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, et son collègue de l’Assemblée Nationale, Aubin Minaku.
Les deux chambres du Parlement ont ouvert hier jeudi 15 septembre 2016 leur session de septembre. Le fait marquant du jour est à chercher dans les messages délivrés par le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, et son collègue de l’Assemblée Nationale, Aubin Minaku. Parlant d’une seule voix, ils ont recadré le dialogue, en rappelant à ses participants qu’ils n’ont pas qualité pour changer quoi que ce soit à l’ordre institutionnel actuel et que leurs « résolutions » devraient se conformer aux prescrits de la Constitution. Léon Kengo est allé même jusqu’à marteler que le forum de la Cité de l’Union Africaine n’est ni un « Parlement », ni une « Constituante ».
Ces rappels à l’ordre sont perçus par les observateurs comme des indications pertinentes sur la non opposabilité des « Résolutions » du dialogue aux institutions en place et à leurs animateurs, dès lors que ceux-ci pourraient estimer qu’il y a viol de la Constitution. L’enseignement principal à en tirer est que le dialogue a déjà montré ses limites avant d’avoir clos ses travaux. Par conséquent, les 280 participants à ces assises, qui étaient certains de réécrire l’histoire nationale et de changer l’ordre institutionnel en vigueur, devraient cesser de rêver. L’unique résultat qu’il pourrait revendiquer comme acquis, c’est la mise en place prochaine d’un nouveau gouvernement, chargé de gérer le « glissement » jusqu’à ce que la Majorité Présidentielle s’avise à donner le feu vert à la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) pour l’organisation couplée des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales.
Comme dit et redit par nombre d’analystes politiques, les « Résolutions » du dialogue risquent de connaître un sort identique à celles des Concertations Nationales : le chemin de la poubelle de l’histoire. Moralité : hormis le partage des postes, les « dialogueurs » ont fait perdre inutilement à la République du temps et de l’argent.
Kengo : «Le Dialogue politique n’étant ni un Parlement, ni une Constituante, nous espérons qu’il agira dans le cadre de ses limites»
La Session ordinaire de septembre -on le sait déjà -est essentiellement budgétaire.
Elle s’ouvre conformément aux articles 115 de la Constitution et 74 du Règlement Intérieur du Sénat.
Coïncidant avec la Journée internationale de la démocratie, célébrée par l’Union interparlementaire, elle mérite d’être placée sous ce thème.
A l’occasion, le Sénat salue tous les démocrates du monde. Il s’engage à faire du thème de cette année une réalité toujours vivante.
Comme vous le savez, le thème de cette année est, je cite : « Le renforcement de la démocratie, condition essentielle pour parvenir au développement durable à l’horizon 2030 ».
Puisse chacun de nous en faire un programme dans son agir individuel et collectif.
Honorables Sénateurs et Chers collègues;
La présente Session intervient à un moment particulièrement important pour notre Pays, marqué par la tenue en cours des travaux du Dialogue national inclusif.
Convoqué conformément à la Constitution et à la Résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies, ce Dialogue avait pour objet la réflexion sur les voies et moyens d’organisation, dans les meilleures conditions, du processus électoral.
Le Comité préparatoire a proposé et le Dialogue lui-même a retenu plusieurs points en rapport avec cet objet, dont les principaux sont les suivants :
– l’évaluation du processus électoral ;
– la séquence des élections à retenir;
– le fichier électoral à utiliser;
– les mesures de confiance nécessaires à la tenue du processus;
– le calendrier électoral à fixer à l’issue de toutes les discussions;
– les mesures d’équité et de transparence du processus électoral;
– la sécurisation du processus électoral, etc.
A cela s’est ajoutée la nécessité de prévoir la conclusion d’un accord politique en vue de la mise en oeuvre confiante des engagements souscrits.
A ce jour, les parties prenantes au Dialogue sont tombées d’accord sur le fichier électoral. Celui-ci doit être révisé de fond en comble. C’est, du reste, ce que le Parlement a prévu ,en adoptant, à la dernière session, la révision de la loi électorale.
La question de la séquence des élections vient de trouver une issue, après la suspension de sa participation par l’Opposition politique. La voie de sortie est celle de I’organisation couplée de l’élection présidentielle et des élections législatives nationales et provinciales. Les élections locales pourraient également y être incluses, suivant la capacité de la CENI à résoudre les contraintes techniques et financières qui s’y posent.
En ce qui concerne l’accord politique, on n’en dispose pas encore des termes. Celui-ci ne saurait cependant tarder.
Le Dialogue politique n’étant ni un Parlement, ni une Assemblée constituante, nous espérons qu’il agira dans le cadre de ses limites. C’est cela le voeu de la population, qui tient au respect de sa Constitution et des institutions qui en sont issues.
Honorables Sénateurs et Chers collègues,
La présente Session intervient aussi à un moment difficile pour notre Peuple, caractérisé par la morosité de la situation socioéconomique. L’on observe:
– l’omniprésence de la pauvreté;
– la dégradation continuelle du niveau de vie;
– l’incapacité des parents à faire face aux dépenses scolaires et sanitaires de leurs enfants ;
– la précarité des conditions de vie et de travail du fonctionnaire, du militaire et du policier, etc.
Cette omniprésence de la pauvreté est telle que la population en vient à s’interroger sur le rôle de l’Etat pour elle. Comment résoudre l’éternelle équation entre l’insolence des ressources naturelles du Pays et l’insoutenable misère de la population?
Telle est la question lancinante qui se pose à l’élite politique congolaise depuis 1960. Il faut y répondre.
Honorables Sénateurs et Chers collègues,
Si on le voit bien, la situation difficile du pays s’explique principalement par la modicité des moyens dont dispose l’Etat pour répondre aux besoins de la population.
Le budget de l’Etat n’est pas à sa taille! Il est même inférieur à celui de certaines villes européennes! Se pose ainsi la question de la mobilisation des ressources publiques pour l’augmentation du budget de l’Etat. Comment y parvenir? Evalué au départ à près de huit mille milliards de Francs, le budget de l’année en cours a été voté l’année dernière dans un contexte économique difficile. celui de l’année prochaine le sera d’avantage. Les paramètres sur lesquels il a été élaboré se présentent de la manière suivante:
• Taux de croissance du PIB : 5,3%
• Taux d’inflation moyen : 4,0%
• Taux de change moyen pour 1 dollar :967,9 francs
• PIB nominal : 40.394,65 milliards de francs
Certains de ces paramètres sont aujourd’hui dépassés. C’est le cas du taux de change moyen. Retenu à 967,90 francs pour un dollar américain, ce taux est actuellement à 1.024 francs pour un dollar, au marché officiel, et à 1.070 francs, au marché parallèle.
Ce paramètre mérite une attention particulière des Sénateurs, lors de l’examen du projet du budget à déposer par le Gouvernement. Les autres paramètres tout autant. Car, selon les spécialistes, les perspectives économiques restent toujours sombres.
La crise des matières premières que nous connaissons depuis 2015 continue à frapper.
La croissance mondiale en 2017 est annoncée molle; elle sera marquée encore une fois par le ralentissement de l’activité économique en Chine, notre principal partenaire.
Suivant les Perspectives de l’économie mondiale, établies par le FMI et mises à jour en juillet 2016, la croissance mondiale est estimée à 3,1% en 2016. Elle devrait progresser à 3,4% en 2017.
Dans les pays avancés, elle devrait stagner à 1,8% en 2017 comme en 2016.
Dans les pays émergents et les pays en développement, elle passera de 4,1% en 2016 à 4,6% en 2017. La Chine verrait cependant sa-croissance ralentir à 6,2% en 2017, contre 6,6% en
2016. On sera donc, une fois de plus, loin des 10% de la décennie précédente. Le ralentissement de la croissance en Chine a entraîné, cette année, la baisse des marchés des matières premières. C’est le cas du cuivre et du cobalt que nous exportons. A fin août 2016, la tonne de cuivre, qui se négociait à 8.800 dollars en début 2011, se vend aujourd’hui à près de 4.700 dollars, contre 7.000 dollars en janvier 2014 et 5.400 dollars en janvier 2015. Le cobalt a perdu 16 % de sa valeur par rapport à l’année dernière; la tonne oscille autour de 26.000 dollars contre 31.024 dollars en janvier 2015.
La tendance à la baisse des prix des principaux produits miniers de notre pays, reste donc inquiétante. Du coup, la question de l’importance des ressources budgétaires de l’Etat se pose.
Honorables Sénateurs et cher(e)s collègues,
Ne nous voilons pas la face. Les ressources publiques ne peuvent augmenter que grâce à une politique de diversification de l’économie.
La dernière décennie a été marquée par une forte croissance de l’économie de notre pays, tirée principalement par les industries extractives. Elle aurait dû profiter de cette croissance pour diversifier les secteurs économiques et, ainsi, réduire la dépendance de l’économie vis-à-vis du seul secteur extractif.
Je pense ici notamment à l’agriculture, aussi bien industrielle que familiale. La diversification des activités économiques a un impact positif sur les recettes fiscales, parafiscales et douanières de l’Etat, et par conséquent, sur le niveau de vie de la population. Pourvu que s’en suive une bonne politique de redistribution des richesses!
Le Gouvernement est invité à faire de la diversification de l’économie, une véritable priorité.
À l’occasion de l’examen de la Loi de finances rectificative, le Gouvernement a obtenu du Parlement l’approbation de sa mesure de réduction du train de vie de l’Etat, à travers la diminution corrélative des dépenses de fonctionnement des Institutions. Cette option s’est révélée en définitive comme une solution d’urgence face à la conjoncture internationale difficile.
Elle apparaît cependant insuffisante car la mesure n’agit que sur la dépense, les ressources prévues restant égales par ailleurs.
De manière pérenne, le Gouvernement devra envisager d’autres actions.
En particulier, les 28 mesures économiques urgentes prises en janvier 2016, pour la résilience de l’économie, doivent être appliquées avec méthode et détermination. De même, et au regard du potentiel fiscal du pays, il me semble que l’action gouvernementale pourrait être orientée également sur quatre axes majeurs: -la maitrise des dépenses fiscales;
– la restauration de l’intégrité de la législation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
– la rationalisation de la fiscalité des entreprises;
– la restauration de l’impôt sur les personnes physiques.
Concernant la maîtrise des dépenses fiscales, il me revient que de nombreux allègements, exemptions et exonérations d’impôts et de taxes douanières continuent d’être pratiqués par le Gouvernement.
Ces allègements sont à l’origine des contre-performances enregistrées dans la mobilisation des recettes.
Des manques-à-gagner ainsi accusés font perdre à l’Etat des ressources importantes.
A l’occasion de l’adoption de la loi de finances 2017, j’invite le Gouvernement à déposer au Parlement, sous-forme d’annexe, le rapport d’évaluation de différents allègements pratiqués en 2016 afin de permettre au Parlement de mieux saisir leur réel impact sur le budget de l’Etat.
Concernant la restauration de I-intégrité de la législation sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), je rappelle que c’est le Gouvernement qui a soumis à l’approbation du Parlement l’Ordonnance•loi de 2010 instituant la taxe sur la valeur ajoutée.
Dans cette législation, des exonérations liées à des personnes ne sont pas admises. Seules sont admises des exonérations liées à des opérations, encore qu’elles sont limitativement énumérées.
Il a été acquis également qu’aucune autre législation ou réglementation ne peut en prévoir d’autres.
Il nous revient que la pratique du Gouvernement en la matière a été toute autre.
Tout d’abord, cette pratique a mis à mal la TVA par son mécanisme de fonctionnement: déductions abusives, remboursements inconsidérés des crédits, fausses factures, fraudes dans les déclarations, etc.
Ensuite, la pratique gouvernementale a révélé l’incapacité des services à recenser de manière optimale les contribuables, dans un pays par ailleurs à couverture informatique très faible et où le service d’identification des personnes est quasi-inexistant.
Là encore, il s’est avéré que le Gouvernement a continué à pratiquer sa politique d’exonérations même• sur la TVA, et ce au moyen de simples décrets et arrêtés.
S’agissant de la rationalisation de la politique fiscale des entreprises, je rappelle tout d’abord que le Gouvernement a l’obligation de parachever la réforme des entreprises publiques amorcées en 2007.
Jusques•à-quand ces entreprises continueront-elles à rester des canards boiteux!
Ensuite, il importe que le régime fiscal des entreprises, surtout celles de petite taille, fasse l’objet d’une application concertée entre le Pouvoir central et les provinces.
Il s’agit d’éviter parfois des doubles impositions.
Par ailleurs, cette catégorie d’entreprises -qui constituent la part la plu~ importante du portefeuille imposable -reste encore sous-évaluée.
Comment l’Etat peut-iI capter l’impôt sur les entreprises si elles ne sont pas correctement et complètement répertoriées?
Les recettes mobilisées au titre de l’impôt sur les bénéfices et profits (IBP) attestent notamment ce faible captage.
Enfin, je plaide pour que le Pays mette en application tout le code des contributions, en amorçant une politique courageuse et méthodique de l’impôt sur les personnes physiques.
Qu’il s’agisse de l’impôt personnel minimum (IPM) ou de l’impôt sur les revenus personnels (IPR), tout cela compte dans la politique d’élargissement de l’assiette fiscale.
Il convient également, au titre de mesures spécifiques, d’envisager:
• la fiscalisation du secteur informel;
• l’implantation effective du Guichet unique intégral du commerce extérieur afin’ d’assurer la traçabilité des opérations de pré-dédouanement, de dédouanement et de post dédouanement:
• l’application effective des sanctions prévues en matière fiscale;
• l’application effective des résolutions issues des différentes assises sur le coulage des recettes, etc.
Toutes ces mesures combinées peuvent s’avérer bénéfiques pour l’économie.
Cessons de croire que seule la politique est nécessaire dans ce pays. Pensons aussi à l’économie.
Honorables Sénateur, Chers Collègues,
La présente Session ordinaire a inscrit à son ordre du jour plusieurs matières.
Vous les trouverez dans le calendrier qui vous sera distribué.
J’exhorte chaque Commission à vider ses arriérés.
Les nouvelles matières doivent bénéficier de la même diligence.
Enfin, j’invite chaque Sénateur à déposer son rapport de vacances pour une synthèse
à élaborer par le Bureau.
Sur ce, je déclare ouverte la Session ordinaire de septembre 2016 et je vous remercie.
Léon KENGO wa DONDO