Diplomatie: Mission impossible pour Antoine Boyamba
1504 Vues
Entre Kinshasa et Paris, les rapports ne sont plus au beau fixe.
Après les propos tenus par le président François Hollande à New York, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a invité le président sortant "Joseph Kabila" à respecter la Constitution de son pays en s’abstenant de briguer un troisième mandat. Le vice-ministre des Congolais de l’étranger, Antoine Boyamba, a reçu, mardi 4 octobre, l’ambassadeur de France, Alain Remy, afin de lui signifier la mauvaise humeur des autorités congolaises. Ambiance!
En langage diplomatique, le vice-ministre des Congolais de l’étranger a fait part au diplomate français les "préoccupations" des autorités congolaises suite aux propos tenus par le chef de la diplomatie française invitant le Président sortant "Joseph Kabila" à... respecter la Constitution de son pays.
C’est une mission impossible qui a été confiée au vice-ministre Antoine Boyamba, un homme qui connait bien la France, une des nations de vieille démocratie où le peuple joue effectivement son rôle de souverain primaire. "Atou", comme l’appellent ses proches, y a vécu longtemps avant de regagner le pays qui l’a vu naître où règne une ambiance despotique.
Quel est le message dont était porteur Boyamba? Celui-ci été chargé de faire savoir à l’ambassadeur français Alain Remy et, à travers lui, aux dirigeants hexagonaux, d’arrêter de laver le linge sale en public et que "les divergences entre les deux pays peuvent être traitées d’une façon diplomatique et non sur la place publique".
Selon une dépêche de l’Agence congolaise de presse (ACP), lors de cette entrevue, Boyamba a déploré les propos du ministre Ayrault en faisant remarquer qu’"il n’y a jamais eu de velléité de modifier la Constitution" au Congo-Kinshasa. Il s’est dit, par ailleurs, "choqué" du fait que ces "allégations" interviennent "au moment où la classe politique congolaise est en plein dialogue pour convenir de l’organisation des élections crédibles, transparences et apaisées". Question : le "dialogue politique" ne constitue-t-il pas une belle démonstration de la volonté de contourner la Constitution?
Usant des éléments de langage chers à la "majorité présidentielle", Boyamba de qualifier les propos du ministre français de "procès d’intention". Au motif que "Joseph Kabila" "qui n’a pas encore terminé son mandat n’a jamais dit qu’il ne respectera pas la Constitution". Les faits et les opinions émisent par les caciques de la majorité ne parlent-ils pas?
Interrogé par la presse congolaise à l’issue de cette entrevue avec l’ambassadeur de France, le vice-ministre chargé des Congolais de l’étranger a déclaré qu’il a confié à celui-ci que son pays est devenu "le relais de l’opposition congolaise". Des outrances verbales qui ne pourraient qu’exacerber l’isolément diplomatique auquel fait face le pouvoir kabiliste.
Qu’a dit exactement le ministre Jean-Marc Ayrault? Invité lundi 3 octobre à l’émission "64 minutes" de TV5 Monde, le chef de la diplomatie française qui était interrogé sur la crise politique au Congo-Kinshasa a déclaré que ce pays a une Constitution. Et que "la moindre de chose pour celui qui parle au nom de son pays c’est de respecter la Constitution (...)". Jusque là, on cherche en vain de quoi fouetter un chat.
Le ministre Ayrault a déploré que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’ait pas convoqué le 19 septembre dernier le scrutin pour l’élection présidentielle comme l’exige l’article 73 de la Constitution. N’en déplaise au vice-ministre Boyamba cette "lacune" est constitutive de violation de la Constitution.
Le chef de la diplomatie hexagonale a déploré également que la CENI se complaît dans un étrange mutisme sur la date des élections. "Là, dira-t-il, il n’y a même pas de date d’élection en RDC. Il faut une date de l’élection. Quant à M. Kabila, il n’a pas le droit de se représenter. C’est la Constitution qui le dit; il faut qu’il donne l’exemple. (...)". Ayrault de conclure : "J’appelle aussi à la raison. Ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir à Kinshasa doivent prendre conscience de leurs responsabilités. S’ils veulent la paix dans leur pays, s’ils veulent le bien de leur peuple, ils doivent respecter leur Constitution. Ils doivent vite trancher cela. Car il y a un vrai danger..."
Les autorités congolaises paraissent à bout d’arguments face à un Jean-Marc Ayrault qui semble relayer la préoccupation que ne cessent d’exprimer non seulement l’opposition mais aussi la grande majorité de la population congolaise qui aspire au changement.
Le ministre Lambert Mende en charge de la Communication et des médias s’est cru en droit de qualifier la "sollicitude" du ministre Ayrault "pour la RDC" de "suspecte". Mende feint d’ignorer que la "communauté internationale" à déployer de gros moyens financiers pour "pacifier" et "stabiliser" l’ex-Zaïre.
Envoyé spécial des Etats-Unis dans la Région des Grands Lacs, Tom Perriello n’a pas manqué de dire à haute et intelligible voix que la communauté internationale n’entend en aucun cas assister les bras croisés à la démolition de cet édifice bâti difficilement. La France ne dit pas autre chose. C’est une mission impossible qui a été confiée au vice-ministre Boyamba.
B.A.W
© Congoindépendant 2003-2016